Ces 12 projets resteront dans nos écouteurs cette année

La fin d’une année, le début d’une autre, et le moment tant attendu de dresser la liste des meilleurs titres et projets que nous avons pu entendre au cours des douze derniers mois. Au diable un top, et le fait de figer des œuvres dans un passé déjà trop lointain au goût du rythme des sorties. La rédaction a décidé de prendre le contre-pied en choisissant les créations qu’elle ne laissera pas derrière elle et continuera d’écouter en 2023. Car au final : un projet qui reste en rotation vaut n’importe quel classement !




Seltana Gene – Luni Sacks


Après nous avoir embarqués dans ses nuits londoniennes festives sur la mixtape Conec Ville l’an dernier, Luni Sacks est revenu en 2022 avec Seltana Gene, pour une balade plus introspective. La sortie de la tape entièrement produite par Luni lui-même (à l’exception de deux pistes dont le mérite revient à Daniel Ness et HNRO) était très attendue par son public, qui avait patienté cinq ans entre Souterrain Son Vol. 1 et Conec Ville pour reprendre une dose. Mais comme le rappelle justement Sackito dans le track « Seltana Gene », première piste du projet : « On est vrais nous on ment pas / Pour ça qu’c’est un peu plus long ».

Et c’est très bien ainsi ! Des artistes qui prennent leur temps, pour leur art, pour leur santé, la musique actuelle en a bien besoin. Comme sur ses précédents opus, Luni rappe ses valeurs, son éducation, la « nécessité d’le faire », le tout puissant, ses tourments et son style-vie plein de flegme. Cependant le rappeur se confie bien plus dans les textes de Seltana Gene, un projet qu’il semble avoir en grande partie travaillé seul.

Les productions sont dans l’ensemble plus douces et lancinantes que sur Souterrain Son Vol. 1 et Conec Ville. Sur « Seltana Gene », « Dis En Moins » et « Piranhas », le flow lent de Sacks se marie parfaitement avec les instrumentales funk, qui donnent une impression de sérénité malgré les doutes qui habitent le MC. Comme il le dit lui-même dans le premier track de l’album, il est « toujours dans la dualité ». Heureusement Luni, « impatient depuis merdeux », peut compter sur son talent, ses homies, Allah et sa famille pour s’élever et y arriver. Comme chez feu Nipsey et Norsacce, la course de fond continue.


Gothic Luxury – Meechy Darko


Ça y est, les fanatiques de la première heure des Flatbush Zombies peuvent enfin respirer et écouter le premier album solo du grand Dimitri Simms aka Meechy Darko : Gothic Luxury. 13 titres, cinquante minutes de son. Le projet personnel de Meech arrive une décennie après l’excellente première mixtape psychédélique D.R.U.G.S des morts-vivants de Brooklyn, sortie en 2012. Il s’agissait de la première tape d’une longue discographie des plus originales grâce à laquelle Darko, Jewice et Erick Arc Elliott ont bâti une fanbase incroyablement fidèle. Autant vous dire qu’attendre 10 ans pour un solo du plus bresom des rappeurs actuels a été interminable pour beaucoup.

Et pourtant, ça en valait la peine. Dans « Intro », Simms prévient direct : « This album contain sex, drugs, love, pain, a lil fame / shit that came with the game / drive a nigg* insane ». Autrement dit, un condensé de ce qui composait déjà ses couplets aberrants de facilité et ses bars dégueulés depuis 2012, mais cette fois-ci, dans un album entièrement produit par Dot Da Genius, plus connu pour son taf avec Kid Cudi. Sur chaque morceau, le travail des productions est impressionnant, notamment dans « The MoMa » pour ne citer qu’une piste. Meechy rappe sans respirer couplets et refrains torturés et ramassés aux côtés du légendaire Black Thought, le tout sur une douce symphonie funk jazz. Le contraste est total, et rappelle l’ambivalence qui torture l’artiste sur tout le projet.

Habitué à rapper sur le racisme, sa santé mentale, la dépression, ou les pensées suicidaires, les phases sur ces sujets ponctuent les tracks. Cependant le MC n’est pas tombé dans un journal perso larmoyant, ne voulant pas monétiser sa souffrance pourtant bien réelle, et plus profonde encore, depuis l’assassinat de son père en 2020 par la police de Miami. Il ne veut pas que les gens soient désolé pour lui mais plutôt qu’ils se rendent compte de ce qu’il a réalisé en traversant toutes ces épreuves.


La Cassette – Duke Mobb


Vous n’aurez sans doute pas échappé au retour en force des compilations ces dernières années. Rappeurs, producteurs, médias, le format a droit à une nouvelle jeunesse et propose des expériences riches grâce à la liberté qu’il procure. Parmi la liste des dernières en date, une se démarque particulièrement du lot : La Cassette, proposée par l’équipe du Duke Mobb. Il faut dire que le collectif de graphistes composé de Zeblaski, Akaonis et d’Exxignotis Studio n’a pas blagué en réunissant la crème des artistes francophones underground et en devenir.

On pourrait littéralement citer chaque rappeur et producteur du projet tant il rassemble des fragments de ce qui a pu se faire de mieux dans le rap émergent depuis 2010. Une curation musicale aux petits oignons qui laisse transparaître la passion et les diggers derrière cette initiative. Après une intro de La Phonkerie où l’on entend le Roi Heenok évoquer une mystérieuse cassette recherchée par Washington, et deux personnages se gratter les veines en manque de leur dose d’audio dope quotidienne, thaHomey donne le ton avec l’énergique « Nouveau monde » et rappelle à quel point le trill est injouable sur son terrain.

Les tracks s’enchaînent et glissent, prouesse difficile à accomplir lorsque plusieurs artistes qui ne se connaissent pas forcément sont réunis sur un projet commun. L’instant d’un banger, Jeune LC retrouve son pote de ride d’antan Riski et Loveni histoire de nous rappeler que OGs font ce truc comme personne. Slim C, Tedax Max, 8Ruki, Ratu$… personne ne rate sa prestation et à la sortie des 15 titres de la mixtape, on ressort marqué par les différentes teintes que chaque morceau sait apporter. En attendant le deuxième volume de La Cassette, d’ores et déjà teasé sur les réseaux sociaux, on reviendra sur cette compil les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes.


Chaos Kiss – Makala


Le Joker disait que le chaos est impartial, mais certains semblent mieux s’en accommoder. C’est le cas de Makala, qui dans son deuxième album Chaos Kiss, s’empare du désordre et l’embrasse à pleine bouche. Un projet de 16 titres, entièrement produit par son partenaire de crime Varnish, qui confirme les acquis de Radio Suicide. Polyvalence, confiance suintante, flows acérés, le tout baigné dans des productions colorées, le triple A est un artiste singulier capable de détruire comme de charmer lyricalement.

L’ambivalence du Mak est telle qu’il n’a pas pu choisir une seule intro à cet opus, débarquant dans une ambiance suave sur « Intro X6 » puis faisant gronder le moteur sur « Intro SLR ». Cette double casquette est palpable à travers l’album, puisqu’il alterne entre des baisers mortels et des bécots tendres : on l’entend manier un égotrip nonchalant avec Daej dans « Les Barrages », ou s’exercer sur un air RnB dans « Gurlz Tower » ou « Insta Babies ».

Une panoplie technique que le MC déploie quand il enfile ses « ZZ Predator » dorées. Tel Zizou face au Brésil en 2006, il enchaîne sombrero roulette et double contact pour livrer un match de référence. Comme il aime le rappeler, si le rap était un ensemble de sports de combat, le Mak serait un pratiquant de MMA, voir même son champion pound for pound.

Textuellement, le panel du Suisse est riche, agrémenté d’argot et de verlan. Une écriture qu’il utilise au profit de morceaux enveloppés de storytelling. Dans « Lards », il explique que le meilleur moyen de lui foutre le seum est de ne pas le rembourser dans les temps. Sur « Budapest », il s’imagine aux commandes d’une équipe de sept braqueuses.

Enfin, pas de Mak sans son compère Varnish : le producteur compose des instrus polymorphes, allant du rap au jazz, en passant par des petites surprises, à l’image du track « Prison Break » aux accents reggae. Complémentaires, les deux artistes s’élèvent mutuellement pour tranquillement « embrasser le chaos de là-haut ».


EA Monster – Young Nudy


Young Nudy était de retour en août dernier pour EA Monster, son quatrième album solo. Un projet qui n’a d’estival que la date de sortie, comme en témoigne son titre assez explicite « East Atlanta Monster » : référence au monstre de la zone six (quartier d’Atlanta) que serait devenu le jeune Quantavious Thomas à force d’en arpenter les trenches et d’y faire toutes sortes de folies.

Depuis le début de sa carrière en 2015, le cousin de 21 Savage a toujours voué une fascination pour l’horreur et son esthétique. En 2016, il fait figurer la poupée tueuse Chucky sur la cover de sa mixtape Slimeball. Poupée que l’on retrouvera en 2021 sur la sombre pochette de DR. EV4L, où Young Nudy se voit en ventriloque et imagine la contrôler. La même année sur Rich Shooter, la direction artistique reste cohérente puisqu’on peut apercevoir Nudy, illustré en train de surplomber une pile de cadavres muni d’un arsenal de guerre.

Pourtant, à la première écoute d’EA Monster, ce n’est pas un ressenti froid et morbide qui se dégage, bien au contraire. Sur les 11 titres qui composent le projet, Young Nudy réussit à nous plonger dans un état second en racontant le quotidien du monde dont il incarne le héros principal. Bien aidé par Pi’erre Bourne et Coupe, avec qui il n’a jamais déçu ses auditeurs, le rappeur s’approprie des prods visqueuses et loufoques taillées sur mesure pour les lines remplies d’humour et de violence qui font sa patte et son charme.

Longtemps cantonné à l’underground quand il s’agissait de citer les artistes en devenir d’Atlanta, beaucoup pensaient que Nudy aurait du mal à faire son trou et qu’il deviendrait simplement une légende de sa ville à la Peewee Longway. Ses derniers projets remettent en question cette perspective, et EA Monster ne déroge pas à la règle.


2000 – Joey Bada$$


12 juin 2012. Un gamin de Brooklyn se révèle aux yeux du monde, bien décidé à redonner ses lettres de noblesse au Golden Age du hip-hop. Du haut de ses 17 piges, Joey Bada$$ droppe sa mixtape 1999, revival rap ancré dans le passé et pourtant déjà tellement en avance sur son temps. Un projet authentique qui va mettre en lumière le collectif new-yorkais Progressive Era cofondé par Capital Steez. Alors en pleine ascension, ce dernier s’ôte la vie un soir de Noël, plongeant le rappeur et ses acolytes dans les affres de la tristesse.

22 juillet 2022. Après cinq ans de disette, Joey libère le solide 2000. Si l’adolescent fougueux a laissé place à l’artiste accompli, il n’en oublie pas pour autant d’où il vient, et dédie certaines pistes aux proches disparus comme le déchirant « Survivors Guilt », Steez en tête mais également son cousin Junior B décédé deux ans plus tard. Un disque sur fond de spleen certes, qui n’éclipse pas pour autant le talent de son créateur à débiter des lyrics acérés.

Si les attentes furent élevées concernant ce nouveau skeud, c’est en partie car All-Amerikkkan Badass, précédent album, tranchait radicalement avec son mantra habituel, bien loin des sonorités boom-bap qui lui sont si chères.

Que les puristes se rassurent, 2000 est totalement dans la veine de 1999, avec comme titres phares « Eulogy », « Zipcodes » ainsi que « One of Us ». Là où la mixtape contenait uniquement des collaborations siglées Pro Era, l’album lui, étale son lot de pointures hip-hop : Diddy, Westside Gunn, Larry June, Chris Brown, Capella Grey, et JID y figurent.

Déjà crédités sur 1999, Chuck Strangers et Statik Selektah assoient leur synergie intemporelle avec le prodige de Bedford comme le démontrent « Make Me Feel » et « Brand New 991 ». Digne successeur de son premier projet, 2000 prouve qu’en 10 ans de carrière, Joey Bada$$ n’a rien perdu de sa superbe, en attendant une réédition deluxe prévue dans l’année.


Moussa – Prince Waly


Avec la sortie de l’album Moussa, la musique de Prince Waly connaît enfin le retentissement qu’elle mérite. Originaire de Montreuil, qu’il aime surnommer M City une fois la nuit tombée, l’artiste a longtemps aiguisé ses rimes aux côtés de son pote Fiasko Proximo, avec qui il forme les Big Budha Cheez. C’est d’ailleurs avec ce groupe qu’il se fera remarquer par le producteur Myth Syzer (Bon Gamin), avant de graviter autour et de collaborer sur l’EP Junior.

Cette excellente mise en bouche ne laissait présager que du bon pour la carrière du prince, qui donnera suite avec un second opus intitulé BO Y Z en 2019. À ce moment, les aficionados de rap français qui font bien leurs devoirs ont déjà entendu parler du rappeur que ce soit lors de ses passages chez Grünt et ses nombreux freestyles solo qui foutent une baffe aux auditeurs et les plongent dans un flash nostalgique des nineties. Pourtant, la vie va décider que rien ne sera facile et contrecarrer tous les plans du rappeur.

En effet, Prince Waly devra mettre un frein net à sa carrière suite au diagnostic d’une forme rare de cancer. Une maladie qu’il mettra plusieurs années à combattre avant de s’en débarrasser, pour notre plus grand soulagement. C’est dans ce contexte que le M City citizen, celui qui a toujours eu la main verte pour le blé, est revenu avec du nouveau matos auditif pour son public. Après un passage intense chez Grünt, où il a ses habitudes, Prince Waly dévoile Moussa.

S’il nous avait habitués à des sonorités qui flirtaient avec la nostalgie des débuts de la culture hip-hop (comme peuvent en témoigner ses nombreuses vestes de collection Avirex qu’il ne manque jamais d’arborer lors de ses shows), cet album est différent. Prince Waly n’est plus ce jeune rookie, il est maintenant un homme qui sait où il va, et dont l’amour l’a sauvé et aidé à trouver son chemin. Que vous soyez fan de la première heure ou que vous découvriez l’artiste avec ce projet, vous ne serez pas déçu.


Vida BraZy – Slimesito


Slimesito aka El Jefe n’a pas chômé en 2022. Le CEO du Rich Slime Gang a sorti quatre projets personnels, de quoi faire pâlir le légendaire Bones. Entre Dedication, Triple Kross Slime, Vida BraZy et The Leak, on a choisi de parler de la Folle Vie du résident de Clayton County, surnommée Jurassic Park.

« Rich Slime and you know it’s all facts » ! La phase marque la fin de la longue tirade nonchalante mais haletante de Sito sur « Jefe Business », le premier track de l’album. L’atmosphère est pesante et l’on retient son souffle comme dans un coupe-gorge. Le flow blasé du rappeur, qui semble attendre le moment opportun pour lancer l’embuscade, l’instrumentale du fidèle Casok et les bars glacials se marient justement et placent le morceau dans la lignée de la production artistique du Slime.

Véritable légende de la dark plugg, Jefe rappe son lifestyle qui oscille entre vie de gang, admiration pour les wise guys comme sur la piste « Good Fellas » entre autres, et la réussite de son entreprise. Un business qu’il souhaite faire fructifier au maximum pour avoir encore plus de thunes et assurer ses arrières, comme il le raconte sur « Not A Facade ». Pour l’album, Sito a travaillé avec une dizaine de producteurs différents. L’auditeur passe ainsi d’un « Vida BraZy », son presque bossa nova avec des basses saturées, à des tracks aux instrus bien plus sombres, comme « No OG », dont la prod rappelle l’ambiance anxiogène du CFR. « Serving them shots like I work at a bar » rappe-t-il dans « Not A Facade », en tout cas, le rich slime assure un service de doses musicales à grand débit.


2MillionBlunts – Bones


Dix ans après le désormais classique 1MillionBlunts, Bones a offert un beau cadeau d’Halloween (car on ne fête pas Noël au cimetière) à ses adeptes en dévoilant une suite inattendue, 2MillionBlunts. Un million de backwoods plus tard, l’escalier de la cover est désormais ruiné, la cage thoracique obstruée, mais sûrement pas l’inspiration de l’artiste du Michigan.

En une décennie, Bones a modifié maintes fois son ossature, et ce projet ne fait pas exception. 2MillionBlunts comporte 19 morceaux courts, jamais plus de trois minutes, mais c’est à peu près tout ce qui ressemble à son prequel. Peu ou pas de productions cloud, une vibe moins sombre qu’à l’accoutumée du pionnier de l’emo rap. C’est presque comme si Bones avait fait peau neuve.

Dès l’intro « SittingOnChrome », on retrouve une vibe g-funk qui donne envie de rider au volant d’une cadillac. Un mélange de basses lentes et d’un synthé vintage présent aussi sur « BrownBagSippin », ce qui donne un aspect presque ensoleillé par moment, à l’image du refrain suave quasi RnB que Bones claque sur le titre « Passion ».

D’un autre côté, la patte Michigan est indéniable, en particulier au niveau des feats. On retrouve l’excellent Rio da Yung OG sur « MaliceAtThePalace », Lil Gotit sur le beat trap de « DeathRow » ou encore Smokecamp Chino sur « CoboHall ». Même constat au niveau des instrus, avec l’apport du producteur Undefined, dont les samples de piano amènent des airs de Chicago.

Que les adeptes du squelette se rassurent, Bones fait aussi du Bones dans cet album. Sur « LateNightCadillac », on retrouve une ambiance morbide, une voix spectrale sortie droit de la crypte sur un flow saccadé qui lui est propre. À chaque million de battes consumées, Bones semble passer un palier. Parfois caractérisé unidimensionnel, il est capable de switcher la température de sa musique, du froid glacial de la crypte à la chaleur du soleil sur le pare-brise de l’impala.


Propaganda – Norsacce Berlusconi


Après l’aboutissement de la trilogie NRM (Néonégro/RAR./Marathon), Norsacce continue de diffuser la propagande auditive du Nouveau Rap Mondial. Le 15 décembre, il a dévoilé Propaganda, son cinquième projet perso. Une heure d’audio dope, durant laquelle il fait bien plus que démanteler des prods à coups de saillies verbales, alternant rap et chant. Tout en affirmant son rang parmi les meilleurs kickeurs du rap FR, Norsacce s’affiche également en artiste complet.

Évidemment, la spécialité de Sacce reste de mettre en pièces les instrus de Congo Bill et Flem, à l’annonce d’un « ékip téki gro-né squa’ shit ». Sapé en boucher dans le clip de « Sodexo », Sacce est un équarrisseur de prods qui ne fait pas dans la dentelle quand il sort les métaux. Sur « Dynastie intro » ou « Propaganda », le rappeur manie un flow incisif renforcé par des punchs aiguisées. Faisant souvent référence à l’instinct du buteur dans ses lyrics, il loupe rarement le coche, même quand il s’essaie à un flow DMV sur « Baws ». Obsédé par le but tel Miroslav Klose, Sacce sait aussi jouer collectif, en attestent ses passe-passe avec Alpha Wann et Fianso sur « Phoenix » et « Piano », ou le refrain de « Gang shit » laissé au londonien BackRoad G.

S’il sait trancher les prods, Norsa est capable de les enrober dans des ambiances aériennes, comme dans l’inspirant « Aigle Royal ». Dans cet album, il s’aventure dans des tonalités plus aiguës, ainsi que des thèmes profonds. Avec les titres « Mon pays » et « Sahara » en compagnie de Zamdane, Sacce évoque l’histoire de l’Afrique et le néo-colonialisme. Une enveloppe mélancolique renforcée par l’excellente utilisation d’ad-libs languissants, à l’image du morceau « Commande » produit par Twinsmatic. Avec Propaganda, Norsacce est prêt à diffuser son message via des canaux divers et réunir plus de partisans autour de lui, comme sur la cover du projet. Sacce continue sa course de fond, effaçant un à un les blases de son agenda.


Wesh Enfoiré – Lesram


On aurait tendance à l’oublier avec son jeune âge, mais Lesram, c’est plus d’une décennie à gratter des mesures, narrer sa vie au Pré-Saint-Gervais, et surtout, aligner claque sur claque à chaque morceau. Passé par les Tontons Flingueurs et le collectif Panama Bende, Marsou le Matou griffe les prods à coup de rimes riches, références en pagaille et allitérations bien senties. Parfait exemple de ce panel rap, le street clip « East Side » droppé en 2014 cumule désormais le million de vues, considéré comme son classique. S’en suivront diverses apparitions en featuring, quelques titres balancés par-ci par-là sur les plateformes, une mixtape ainsi que des passages remarqués au sein des sessions Grünt, de quoi cultiver l’impatience de sa communauté quant à l’hypothétique sortie d’un premier projet.

Suite à la série de freestyles du même nom, Lesram libère Wesh Enfoiré le 1er avril 2022, un projet qui n’a rien d’une blague malgré sa date de parution équivoque. Le dix titres donne l’occasion au natif du 310 de démontrer toute l’étendue de sa versatilité : aussi à l’aise sur les compositions old school de Mehsah (« CNN », « Wesh Enfoiré », « Survivant ») que les instrus aériennes d’Amine Farsi (« Intro », « Seum », « Khaleesi »), Lesram s’adapte également aux featurings. Deux invités de prestige sont d’ailleurs présents : Alpha Wann, sur le très technique « Rotation », ainsi que son compère du Bende PLK, via le titre teinté de nostalgie « Avec le Temps ». Depuis ses débuts, le rappeur a toujours gardé le même cap, à savoir décrire la dure réalité de son quartier sans aucun filtre. Une thématique omniprésente au fil de la tracklist de Wesh Enfoiré, manifeste du quotidien de Lesram, entre galère et débrouillardise. L’amer est dans le pré.


Spaceships On The Blade – Larry June


Fin 2010 paraissait Cali Grown, carte de visite du rappeur Larry June, et prémices de la carrière qu’on lui connaît aujourd’hui. Plus d’une décennie et 24 projets au compteur, le natif de la baie de San Francisco dévoile Spaceships On The Blade, album estival dans la lignée de ses prédécesseurs. Il faut dire qu’Uncle Larry a pour habitude d’exceller dans le registre laid-back, ce qui ne l’empêche pas de sortir ponctuellement de sa zone de confort.

Quasi indissociable du blaze de Cardo son beatmaker attitré, Larry s’en détache pourtant progressivement, désireux d’élargir son champ de vision. Ce ne sont donc pas moins de 26 producteurs qui se partagent la galette, dont $oudiere, pourtant plus habitué à la scène phonk qu’au smooth de la côte ouest. En résulte une exquise co-production sur le morceau éponyme du projet. Samplé sur le titre gospel « I’ll Be With You » de Daryl Coley, « Breakfast in Monaco » marque ici la première vraie collaboration entre The Alchemist et Larry June, un duo qu’on espère prolifique dans les années à venir. Certains titres s’avèrent surprenants tels que « For Tonight » et son featuring planant avec Syd, ou encore « Brand New Machinery », dévoilant une nouvelle facette du californien nonchalant.

À raison d’environ deux longs formats par an, la productivité de Larry Eugene Hendricks n’est plus à prouver, d’autant plus que celui-ci varie suffisamment sa proposition afin d’éviter de tourner en rond. Un peu à l’image des smoothies qu’il affectionne tant, Spaceships On The Blade s’avère être un parfait mélange entre nouvelles saveurs et recette traditionnelle. Mention spéciale au Texan Cardo, qui livre ici l’un de ses beat les plus onctueux sur « I’m Him », assurément le meilleur track du disque. Keep going Larry !


La rédaction

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